25 mai 2011

DSK 3

Voilà un extrait d'un excellent article du Monde qui met un relief le malaise que ressnt une grande partie de la population française concernant l'affaire DSK. En effet, je me demande comment les plus fervents supporters de DSK vont vivre la chute de leur idole en particulier aux vues des moyens employés pour le sortir de cette ornière judiciaire. Peut-être que cela va enfin ouvrir les yeux et montrer que finalement entre le bling-bling Sarkosy et DSK, il n'y a pas plus d'une epaisseur de feuille de cigarette... que tout ce petit monde habite la place des Vosges et que le fossé n'est pas entre la gauche et la droite, mais bien entre cette place des Vosges et le reste de la France/du Monde.

Le Bronx contre la place des Vosges
Quoi qu'il se soit passé dans la chambre 2806 du Sofitel, une chose est certaine : pour sa défense, l'ex-candidat favori de la gauche à la prochaine présidentielle va tout entreprendre pour détruire la réputation et la vie d'une femme de chambre du Bronx, Guinéenne réfugiée politique, veuve et mère célibataire.

Détruire, en l'occurrence, ne signifie pas seulement se mettre en quête d'éventuelles turpitudes sexuelles dans le passé de la présumée victime, mais éplucher ses conditions d'immigration, remettre en cause son statut de réfugiée, douter des conditions d'obtention de son logement social, etc.

Une page du New York Post, la semaine dernière, laissait entendre que la plaignante vivait dans un logement social réservé aux sidéens, alors qu'elle ne l'est pas. Cela impliquait, sans le dire, qu'elle avait menti pour l'obtenir. Et ainsi que Le Monde l'a révélé ce week-end, les avocats de DSK se sont adjoint les services de la société Guidepost Solution, spécialisée dans le contre-espionnage industriel, dont les agents s'envolent en ce moment même pour l'Afrique sur les traces du passé de la jeune femme.


Imaginer sans rougir l'affrontement mondial d'un roi du monde socialiste et d'une femme de chambre africaine immigrée est au-dessus de ses forces. Et la morale de l'histoire est celle-ci : si l'art du roman est, comme dit Alain Finkielkraut, celui de la nuance, alors c'est en vain que le romancier de ce début de XXIe siècle se casse la tête pour essayer de comprendre et, surtout, de rendre crédible le monde qui l'entoure. Un monde où, dans une chambre d'hôtel, se télescopent en moins d'une demi-heure l'ultra-local (le Bronx et la place des Vosges) et l'ultra-global (l'immigrée et le chef de l'économie planétaire), un monde où la mondialisation dans ce qu'elle a de plus prosaïque rencontre la pratique française du pouvoir dans ce qu'elle a de pire. Et le spectacle stupéfie, révolte, écoeure - avant, en fin de compte, de renvoyer le romancier dans les cordes de sa rachitique imagination.

Sentiment d'invraisemblance

Shakespeare le montrait bien avant les féministes : parce qu'il présuppose toujours, entre l'agresseur et l'agressée, une dissymétrie sociale, professionnelle ou psychologique, le harcèlement sexuel a moins à voir avec le sexe qu'avec le pouvoir. Est-ce pour cela que le sentiment d'invraisemblance est si fort en ce moment à gauche - ou, pour être exact, dans la frange sociale supérieure de ce camp politique ? Il y a, bien sûr, l'état d'esprit d'une élite française ethnologiquement choquée, si l'on peut dire, de découvrir qu'une justice peut s'appliquer à l'un des siens sans le moindre égard de classe ; il y a, aussi, ce climat de camaraderie idéologique et morale propre à la gauche, qui bannit, en principe, tout rapport de sujétion entre individus.

Mais, à vrai dire, ce sentiment d'invraisemblable ne doit pas être moins grand chez la victime présumée - immigrée guinéenne affrontant, devant une justice étrangère, un homme qui fut, jusqu'au milieu de ce mois, l'un des plus puissants de la planète, et dont les moyens restent, pour ce que l'on peut en voir en tout cas, illimités (Le Monde a révélé que les services de Guidepost sont facturés 700 dollars l'heure).

Comment le romancier, dont la fiction se nourrit de la vraisemblance, peut-il encore s'y prendre pour rendre compte d'une condition pareille ? Dans le monde dans lequel nous sommes pris, tout est invraisemblable, mais c'est parce que plus rien n'y est impossible.


Marc Weitzmannn, écrivain

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